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Drones de loisir : l'hypocrisie des nouvelles règles françaises - Le Point.fr

legislation  

Il faut désormais déclarer et immatriculer tout drone de plus de 800 grammes, et le survol des sites sensibles est plus sévèrement puni.

Par Guerric PONCET - Le Point.fr

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La France a modifié sa législation sur les drones. Le nouveau texte, promulgué le 24 octobre, prévoit notamment des contraintes pour les « aéronefs télépilotés » de plus de 800 grammes, et des sanctions renforcées pour le survol des sites sensibles. Mais les mesures semblent déconnectées de la réalité...

Ce qui a changé

- Pour tous les drones : renforcement des sanctions en cas de survol d'un site sensible, que ce soit « par maladresse ou négligence » (six mois de prison et 15 000 euros d'amende) ou de façon délibérée (un an de prison et 45 000 euros d'amende). La loi prévoit aussi la confiscation du drone dans les deux cas. - Pour les drones de plus de 800 grammes : les télépilotes (utilisateurs) devront recevoir une formation, sorte de code de la route pour drone. Les appareils devront être immatriculés, et équipés de dispositifs de signalement électronique, lumineux et sonore, qui ne sont pas précisés par la loi. - En outre, « un dispositif de limitation des performances à bord, à partir d'un certain seuil de masse », devra être implémenté par les constructeurs. Le seuil sera fixé par voie réglementaire.

Ce qui pose problème

- La limite fixée à 800 grammes ne correspond à rien : certains drones très légers sont bourrés d'options, alors que d'autres plus lourds peuvent être dépourvus de fonctions avancées. Introduit par l'Assemblée nationale, ce seuil a surpris le Sénat, qui ne l'a toutefois pas retoqué en deuxième lecture : selon la Chambre haute, il s'agit d'une « mesure manifestement réglementaire ». Autrement dit, elle n'aurait pas dû être fixée dans le marbre, mais plutôt par décret, pour garder la possibilité de la modifier facilement. - Au poil pour Parrot : les mauvaises langues notent que ce seuil non modifiable de 800 grammes permet de protéger toute la gamme du constructeur français Parrot, alors que son principal concurrent, le chinois DJI, est touché de plein fouet. Las ! L'arrivée du dernier-né de DJI, le Mavic Pro (734 grammes), fait perdre à Parrot une partie de son avantage en France. - Le piratage d'un drone, c'est possible : le 26 octobre, un chercheur de Trend Micro a présenté Icarus, une sorte de télécommande universelle permettant de prendre à distance le contrôle de n'importe quel drone en déconnectant son utilisateur légitime. Une aubaine pour ceux dont le drone se sera « égaré » au-dessus d'une centrale nucléaire : ils pourront plaider le piratage. - Déconnecté de l'Europe : un règlement européen en préparation devrait s'appliquer en France dès l'été 2018 et différencier les drones, non pas selon leur poids, mais selon leur usage. Le projet actuel de Bruxelles ne correspond donc pas aux mesures promulguées en France, laquelle essaie probablement d'influencer l'UE en adoptant à la hâte ses propres normes. « J'ai malheureusement l'impression que certaines mesures introduites en commission l'ont été de façon totalement déconnectée de ce que pourrait être la réglementation européenne », regrette d'ailleurs le député (LR) Lionel Tardy, cité par Les Échos . « La loi n'est pas un tract ou un message envoyé à Bruxelles », ajoute-t-il. - L'objectif de la loi n'est pas clair : le texte est officiellement relatif au « renforcement de la sécurité à l'usage des drones civils ». « S'il s'agit de la sécurité des personnes, 800 grammes, c'est largement trop lourd », nous explique Éric Dupin, fondateur de Dronestagram, première plateforme de partage d'images prises par drone. Effectivement, un drone de 800 grammes qui tombe sur un passant, cela fait des dégâts. La réglementation américaine fixe, pour sa part,  un premier seuil à 250 grammes. C'est en dessous de ce seuil, en effet, qu'un appareil en perdition « ne fait pas plus de mal qu'une pomme de pin », selon Éric Dupin. S'il s'agit d'antiterrorisme, la décision logique (et franchement liberticide) serait d'interdire tous les drones, au moins tant que l'état d'urgence reste en vigueur. Les mesures aujourd'hui promulguées n'auront aucun effet pour prévenir un attentat. « Celui qui veut transporter un explosif ne va évidemment pas déclarer son drone », ironise Éric Dupin. De même, un terroriste ne sera pas contraint par les dispositifs de limitation des capacités, ou de signalement visuel, sonore et électronique, faciles à désactiver via l'installation dans le drone d'un logiciel maison, en remplacement de celui fourni par le constructeur. Le scénario terroriste impliquant un drone n'est pas un fantasme : le 2 octobre, l'explosion d'un drone piégé à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, a tué deux combattants kurdes et blessé deux commandos français. De même, il est possible de fixer une arme à feu sur un drone : les services de protection des chefs d'État sont tous sur les dents. - Les lobbys en action : Outre les industriels qui ont été consultés par les parlementaires, les professionnels de la prise de vues par drone se sont largement exprimés pour soutenir l'encadrement toujours plus strict des drones de loisir. Leur intérêt est évident : moins les particuliers peuvent prendre des images eux-mêmes, plus leurs services seront sollicités pour des prises de vues professionnelles. Finalement, on se dit que les 10 règles élémentaires énoncées par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) auraient pu suffire à réglementer l'utilisation des drones :
Article publié le 03/11/2016 à 12:25 | Le Point.fr

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